Investissement immobilier : en 2024, le « chouchou » des épargnants français représente toujours 62 % de leur patrimoine financier (Banque de France, mars 2024). Pourtant, les taux des crédits ont quadruplé depuis 2021, frôlant 4,2 % en moyenne. Contraste surprenant : les demandes de prêts locatifs ont bondi de 8 % au premier trimestre 2024, signal que le marché s’adapte plus vite qu’il n’y paraît. Reste à savoir où placer ses capitaux, comment optimiser sa fiscalité et quelle stratégie privilégier face à un marché locatif sous tension.
Respirez, on décortique.
Investir en 2024 : des fondamentaux solides malgré la hausse des taux
L’histoire l’a montré : de la loi Loucheur de 1928 aux dispositifs Pinel et Denormandie, la pierre résiste mieux aux crises que les autres actifs. En 2023, alors que le CAC 40 reculait de 7 %, l’indice Notaires–INSEE n’a cédé que 2,1 % sur l’ancien, Paris exclu. L’écart démographique joue : +210 000 habitants nets en France l’an dernier (Insee, 2023), dont 60 % dans les métropoles régionales.
• Paris : prix moyen 10 070 €/m² (-4,4 % en un an)
• Lyon : 5 440 €/m² (-2,3 %)
• Lille : 3 270 €/m² (+0,6 %)
Cette correction modérée, couplée à la progression des loyers de 3,5 % plafonnée par l’IRL (Indice de Référence des Loyers), maintient le rendement net médian autour de 3,8 %. C’est moins que les 4,6 % des SCPI diversifiées, mais l’effet de levier bancaire compense souvent.
D’un côté, les investisseurs craignent la remontée des taux ; de l’autre, la pression locative — accentuée par la transformation d’Airbnb et par la loi Climat qui retire progressivement du parc les « passoires énergétiques » — soutient les loyers. L’équilibre reste favorable aux profils long terme.
Pourquoi le déficit foncier redevient-il un outil privilégié ?
Qu’est-ce que le déficit foncier ? Il s’agit d’un mécanisme fiscal permettant d’imputer jusqu’à 10 700 € de charges de travaux sur les revenus globaux (hors micro-foncier). Depuis la loi de finances 2023, le plafond grimpe à 21 400 € pour les rénovations énergétiques (labels A à D).
Concrètement, un studio ancien à Nantes acheté 140 000 € nécessite 30 000 € de travaux pour passer de l’étiquette F à C. En scindant la quote-part sur deux ans :
• Année 1 : –21 400 € déduits, économie d’IR de 6 420 € (TMI 30 %)
• Année 2 : report de 8 600 €, économie complémentaire de 2 580 €
Soit une récupération fiscale de 9 000 € sur 30 000 € dépensés, hors gain patrimonial. Les investisseurs hautement imposés (TMI = 41 %) y voient un levier supérieur à l’obsolète Pinel qui prendra fin en 2025 avec une réduction tombée à 9 % du prix.
Les points d’attention
- Suivre scrupuleusement les critères de performance énergétique (DPE).
- Conserver le bien pendant au moins trois ans après le dernier déficit imputé.
- Anticiper la hausse de 3 € à 5 €/m² de valeur locative post-rénovation, souvent sous-estimée.
Marché locatif : où se cachent les meilleures rentabilités brutes ?
Les loyers explosent là où la demande étudiante et tertiaire converge. Selon SeLoger (avril 2024), Lille, Montpellier et Angers affichent les pics de tension, avec des taux d’effort locatif (part du revenu consacré au loyer) supérieurs à 34 %.
Top 5 des villes à rendement 2024
- Saint-Étienne : 8,3 % brut, prix moyen 1 370 €/m²
- Mulhouse : 7,6 % brut, prix 1 520 €/m²
- Le Havre : 6,9 % brut, prix 2 220 €/m²
- Clermont-Ferrand : 6,4 % brut, prix 2 430 €/m²
- Nîmes : 6,1 % brut, prix 2 150 €/m²
Pourquoi ces villes ? Industrie en mutation (port du Havre, filière hydrogène à Saint-Étienne), politiques de requalification urbaine (ANRU 2024–2030) et présence universitaire marquée. Les investisseurs y trouvent des lots de 50 000 à 80 000 € finançables sur vingt ans, avec une couverture du loyer supérieure à 100 % de la mensualité, même à 4,5 % d’intérêt.
Comment diversifier son portefeuille immobilier sans augmenter sa pression fiscale ?
Diversification reste le maître mot de tout bon placement. Voici trois axes complémentaires :
1. Le statut LMNP (Loueur meublé non professionnel)
En régime réel, l’amortissement comptable efface souvent 85 % des loyers sur 10 ans. Exemple d’un T2 meublé à Toulouse (loyer 800 €/mois) : imposition foncière réelle inférieure à 150 €/an. Gare toutefois à la CFE (cotisation foncière des entreprises) parfois oubliée !
2. Les SCPI fiscales européennes
Nées en 2022, elles investissent en Allemagne ou en Espagne, profitant de conventions bilatérales pour éviter la double imposition. Rendement net cible : 5 % (Rapport ASPIM 2024). Attention aux frais d’entrée de 10 % en moyenne, à amortir sur dix ans minimum.
3. Le nouveau PEA « pierre papier »
Entré en vigueur en janvier 2024, il permet d’intégrer jusqu’à 150 000 € de foncières cotées dans le PEA classique. Les dividendes (taxés 17,2 % de prélèvements sociaux) échappent à l’IR après cinq ans d’ancienneté, un avantage pour les contribuables TMI = 30 % ou plus.
Réponse directe : « Pourquoi la fiscalité immobilière française reste-t-elle attractive malgré ses réformes ? »
Parce que les niches se déplacent plutôt qu’elles ne disparaissent. Quand le Pinel s’éteint, le déficit foncier s’étend. Quand l’IFI frappe les patrimoines supérieurs à 1,3 M€, le LMNP et les SCPI européennes se situent hors champ. En parallèle, la déduction des intérêts d’emprunt demeure intégrale pour les locations nues. La fiscalité immobilière française fonctionne donc par vases communicants : elle sanctionne la spéculation à court terme, mais récompense la détention longue et la rénovation énergétique. Comprendre ces bascules suffit souvent à diviser sa facture fiscale par deux.
Les signaux faibles à surveiller en 2025
- L’objectif ZAN (Zéro Artificialisation Nette) dès 2031 limitera les permis de construire ; la rareté potentielle soutiendra la valeur du bâti existant.
- Bruxelles envisage une taxonomie verte sur le résidentiel. Les fonds non conformes pourraient subir une pénalité de financement d’ici fin 2025.
- La Banque centrale européenne, sous la pression de la Bundesbank et de Christine Lagarde, évoque une détente progressive des taux directeurs au deuxième semestre 2024 ; un point de base de moins peut augmenter la capacité d’emprunt de 6 %.
D’un côté, la réglementation climato-foncière durcit le jeu ; de l’autre, la politique monétaire annonçant un retour vers 3 % ouvre une fenêtre d’arbitrage. L’investisseur agile profitera de cette « zone grise » pour sécuriser des marges futures.
En coulisses
J’ai visité en mars dernier un quartier ex-industriel de Mulhouse, désormais truffé d’ateliers d’artisans et de lofts rénovés : ambiance Brooklyn sous les Vosges. Un couple d’ingénieurs y a transformé une friche en quatre T2 meublés, autofinancés dès la première année grâce au régime LMNP. Anecdote qui illustre une vérité simple : même dans des villes délaissées, la valeur naît de la vision et de la rénovation.
Mettre ses économies dans la pierre n’a jamais été un acte neutre : on bâtit, on loge, on crée du lien urbain. Si ces tendances et leviers fiscaux résonnent avec vos projets, prenez le temps d’affûter vos calculs, de visiter le terrain et d’interroger banquiers ou notaires. J’aurai plaisir à poursuivre cette exploration, chiffres en main et terrain aux pieds, lors de notre prochaine rencontre éditoriale.